Épices et aromates, le premier des voyages en Méditerranée

© Barbara Rosner

Avez-vous déjà rapporté des épices de l’un de vos voyages en Méditerranée ? Si c’est le cas, vous faites partie des 60% de voyageurs qui pensent que ces souvenirs culinaires sont ceux qui marquent le plus un séjour au bord de la grande bleue. Difficile de dire le contraire pour qui apprécie les saveurs d’une cuisine relevée.

 D’abord, il y a le nez. Chatouilleux, étonné, curieux et connaisseur. Sentir pour découvrir. Se souvenir d’un passé, d’une enfance. De ces odeurs de cuisine d’une grande mère affairée qui chassait les gamins de ses jupes et les envoyait jouer dehors. Puis vient l’œil. Affûté, à la recherche des indices qui mettront en harmonie l’odorat et la vue. Loin du bleu et du vert, la Méditerranée est faite aussi de saveurs. Visite dans le monde des épices et des aromates d’une gastronomie qui évoque le voyage des civilisations et des peuples.

Peut-il y avoir de cuisine méditerranéenne sans tout ce qui fait le charme de saveurs venues agrémenter des goûts parfois lointains et sans contours. Peut-on se passer du cumin ou de la coriandre ? Oublier le poivre et la muscade ? Négliger le basilique ou les câpres ? Repousser la menthe ou le romarin. Rien de ce qui entoure les plats d’une méditerranée aux contours lointains ne saurait rester secret tant l’histoire se mêle intimement aux goûts.

Un voyage dans le temps

© Matej Madar

L’origine des épices se perd dans la nuit des temps. Si l’on en croit les spécialistes, c’est dès le néolithique qu’elles apparaissent dans la cuisine méditerranéenne. Il faut croiser les babyloniens pour les découvrir dans l’art de marier les viandes et les légumes. Car les épices sont de véritables signatures qui vont affoler et réjouir les papilles et servir à donner le relief à des plats cuisinés d’une fraîcheur bien différente de celle que nous connaissons.

On peut raisonnablement affirmer aujourd’hui que cet accompagnement venait cacher quelques méthodes de préparation culinaire qui, à notre époque, horrifieraient souvent le plus courageux des cuisiniers. Égyptiens et Romains firent des épices, les éléments indispensables du goût.  Avec talent et imagination. Platon évoque « la force et l’imagination de ces plantes venues donner une âme aux viandes ». Alexandre le Grand, qui en fit un usage important pensait lui que les « épices signaient ses conquêtes de la plus noble des manières ».

Heureux hommes qui donnèrent des lettres de noblesse à des éléments indispensables de la créativité alimentaire. Et ils furent nombreux à faire des épices les symboles de l’opulence  et de la richesse. Dès 300 avant JC, Théophraste écrit le premier recueil des plantes et des épices. Charlemagne en fit les outils du commerce moderne. L’Asie et l’Occident se sont découverts via les épices et les aromates.

Autant dire que de Christophe Colomb à Vasco de Gama, pas une découverte ne se fit sans que ces « plus culinaires », comme écrivait Curnonsky,  ne viennent enrichir les coffres des grands de ce monde et titiller l’imagination de ceux qui allaient les sublimer.

Mais les épices ne sont pas seulement un livre d’histoire. Dans des pays ou la chaleur limite les appétits, les épices sont de véritables stimulants de la cuisine. Elles attirent le palais comme le ferait un aimant et font d’un plat sans ambition, un moment de bonheur. Du passé, on retiendra que rares étaient les légumes ou les viandes qui ressemblaient à ceux que nous connaissons.

Ni hybrides, ni croisement ? Des produits primaires, parfois filandreux proches d’un état sauvage et au goût marqué, parfois repoussant. Magnifiques épices qui allaient enfin donner du relief à ce qui n’en avait pas.

Le parcours des aromates

© Tookapic – la basilic, roi des aromates en Méditerranée

C’est parce qu’elles dépassent les frontières que les plantes aromatiques sont les portes du voyage. Quoi de plus ensoleillé et gorgé de souvenirs qu’une feuille de basilic dans une salade de tomate. Qy’y a t-il de plus rafraîchissant qu’une feuille de menthe dans une salade de fruit ? Que trouve t-on de plus goûteux qu’une pincée de muscade dans une viande qui mijote au coin du feu ?

Qui se souvient de la force de cet origan venu de Grèce et dont la seule présence renforce les textures et sublime les saveurs. La liste de ces « marqueurs de bonheur », qu’évoquait Beaumarchais, ne serait pas complète sans le Safran et sa couleur brique ou ocre. D’autant que la vertu des aromates ne se limite pas à la cuisine. L’alchimie se fait aussi dans l’univers de la santé. Les aromates pour soigner et apaiser sont autant d’usages que nos anciens découvraient au fil du temps. Oublier la girofle, venue d’Asie via Alexandrie, serait nier ce qui fera aussi la force de la gastronomie : l’originalité.

A la recherche d’une gastronomie méditerranéenne

On dit d’elle que c’est une gastronomie du soleil, faite d’huile d’olives et de tradition. Comme un rendez vous entre le temps et l’instant. Celui sans fin qui depuis l’origine donne naissance à un perpétuel recommencement.  Peut-on évoquer les origines de cette gastronomie ? L’art du bien manger se perd entre l’habitude et l’innovation.

© Matej Madar – les olives et les épices

Contrairement, à ce que l’on pense, rares sont les recettes figées qui se transmettent, par voie écrite, de mères en filles. La base même de la gastronomie méditerranéenne c’est l’improvisation. Celle qui magnifie la « fameuse » mesure imprécise. Celle qui parle d’une pincée de sel, d’une poignée de fèves, d’une demi casserole d’eau, d’un zeste de cumin ou de muscade.

A chacun de donner vie à ces indications.  Loin de toute précision, nous sommes dans l’interprétation. D’autant, et les grands noms du domaine, le disent à chaque fois que l’art de la cuisine en Méditerranée, c’est l’art de la glissade permanente. Une recette partie d’Algérie, aura avec les mêmes ingrédients une saveur et un nom différent une fois posée sur les rives du Bosphore.

Des ingrédients uniques pour des recettes multiples.   C’est cet art qu’explique justement Escoffier, l’un des plus grands noms de la cuisine moderne « si les bases sont toujours identiques, simples, la lecture finale est toujours différente, si originale qu’il semblerait qu’avec du miel, du sucre et de la semoule, on peut réaliser, et réussir, un nombre sans fin de gâteaux. Une cuisine qui est une perpétuelle redécouverte de produits ancestraux, rois des cuisines et des traditions culturelles de chaque pays ». Tout est dit. Tout est bien compris.

Le voyage des goûts

© Taken

Parce qu’elle est multiple, la gastronomie méditerranéenne est voyageuse. Du moins, c’est elle qui signe la rencontre du candide avec la culture d’un pays. L’exemple du couscous, que certains américains croyaient d’origine française dans les années 60, est révélatrice du sentiment d’appartenance d’un plat à une culture. Idem pour la pizza et son origan ou l’Italie et ses pâtes au pistou. 

La Méditerranée a doublement fait le bonheur des gastronomes. D’abord avec ses plats traditionnels, à la construction si différente d’un pays à l’autre et d’autre part avec ses épices et ses aromates qui se marient aujourd’hui avec des produits bien différents de ceux qu’ils venaient rehausser dans le passé. De jeunes chefs algériens ou Marocains, n’hésitent pas à travailler ces saveurs dans d’audacieuses verrines qui iront marier tomates séchées et beignets de feuilles de basilic ou purée d’ail et d’oignons allégée. Bien malin qui pourrait alors remonter le chemin des origines et tracer l’usage de tel ou tel produit.

La gastronomie méditerranéenne, loin d’être figée n’en finit plus d’inventer, de créer, d’associer, de mixer, de transformer et de sublimer. Au delà du simple voyage nous voilà dans un futur aux accents du passé. C’est là toute sa force, toute sa créativité, toute son inventivité. Plus qu’un simple renouvellement, un perpétuel renouveau.

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