La Suède n’en finit pas de nous surprendre ! Après les revers à deux mains de Bjorn Borg, les tubes entêtants d’Abba et les coups francs de Zlatan Ibrahimovic, ce pays de seulement 10 millions d’habitants impacte à nouveau notre temps de cerveau disponible – et nos réseaux sociaux – avec un concept aussi anxiogène que la perspective d’un dimanche après-midi au rayon cuisine d’Ikea : le « Flygskam ».
Le phénomène « Flygskam », ou en bon Français, la « honte de prendre l’avion » a décollé sur fond de prise de conscience globale du réchauffement climatique en raison de la montée des émissions de CO2. Responsable d’environ 2,5% des émissions mondiales annuelles, le transport aérien est régulièrement pointé du doigt et semble avoir déjà pris un coup dans l’aile … en tout cas, en Suède. Dans l’Hexagone, il a conduit Air France à rendre ses compensations systématiques pour les vols domestiques.
Confrontée à ce mouvement qui fait les gros titres de l’actualité, la rédaction de SeniorVoyageur, qui a les pieds sur terre, n’a pas voulu mettre la tête dans le sable. En tant que média vantant les attraits de destinations touristiques lointaines, comment concilier l’intérêt de nos lecteurs et celui de la planète ? Comment ne pas s’interroger lorsque l’on incite quotidiennement ses semblables à prendre l’avion ? Comment composer avec sa propre conscience lorsqu’on paye un prix dérisoire pour un billet low-cost ?
Autant de questions qui interrogent la rédaction pour le moins partagée de SeniorVoyageur … Portrait de groupe entre accords et désaccords.
Bernadette Py : Comme des millions de personnes de par le monde, je suis devenue de plus en plus consciente des enjeux climatiques. Malgré cela, je me sens tiraillée au sujet du phénomène Flygskam. Je suis surtout exaspérée d’entendre les plaidoiries du style : « 2% des émissions mondiales, ce n’est rien comparé à la voiture, l’industrie de la croisière, les serveurs informatique » ou que sais-je encore… A mon sens, ceux qui pensent se dédouaner en pointant du doigt les petits copains d’en face se trompent lourdement. Pour moi, nous sommes tous dans le même bateau. Chaque geste compte, pour nous, pour nos enfants et nos petits-enfants. A titre personnel, je dirais que l’avion est un « mal nécessaire ». Sinon, comment aller embrasser ma famille éparpillée sur la côte Ouest des Etats-Unis ou encore en Australie ? Comment faire un aller-retour à l’étranger pour une réunion de travail importante ?
Alors pour ne pas me défausser sur les autres et encore moins sur les générations futures, j’ai choisi d’utiliser les programmes de compensation carbone mis à disposition par les compagnies aériennes.
Patrice Pellerin : Je suis évidemment conscient de la nécessité de changer nos comportements pour tenter de résoudre la problématique du changement climatique. Pour ma part, je privilégie depuis longtemps le train sur les courtes distances. Certes, le transport aérien a sa part de responsabilité mais je trouve un peu facile d’en faire un bouc émissaire. C’est l’arbre qui cache la forêt. Il est aussi une ouverture précieuse sur le monde et sur les autres. Il est un appel d’air indispensable qui permet aux peuples de se rencontrer, de mieux se comprendre et d’éviter de construire encore plus de murs…
Il me semble que certains écolos radicaux ont tendance à hurler sur tout et tout le temps. A trop hurler, on ne hiérarchise pas les priorités et on banalise les problèmes. Pour moi, l’urgence absolue, ce sont les plastiques à usage unique qui sont en train de tuer nos océans à court terme et donc, notre planète.
Annie Fave : Je déteste les Ayatollah, de tout poil. Et je m’inspire de Voltaire, « Tout ce qui est excessif est insignifiant« , au sens propre: cela perd de son sens ! Garder du jugement sans se laisser emporter par les modes, c’est ma règle de base.
Pour mémoire, le soleil est pour certains pays une matière première. Il est normal et même indispensable pour les habitants de ces pays là de l’exploiter, et donc que nous allions les visiter. Et en général, ce ne sont pas les plus proches, ceux qui nous fournissent un soleil d’hiver ! Prendre l’avion est donc incontournable et ne me pose pas de problème. L’aéronautique fait des progrès constants en matière de CO2, et la compensation carbone est une manière de se rattraper si on en éprouve le besoin.
Je m’interroge d’ailleurs sur la « propreté » supposée du train. Que je sache, il fonctionne désormais à l’électricité. D’où vient-elle ?
Marcel Lévy : Je n’aime pas les modes, les excès et les extrêmes ! Pour moi, le Flygskam est une stupidité supplémentaire dans la longue liste des analyses à très court terme que l’on veut imposer aujourd’hui au nom de l’écologie. Défendre notre environnement est essentiel mais oublier que le monde ne se limite pas à l’Europe me semble dangereux. Il me semble plus important de définir des objectifs réalistes sans pour autant condamner des activités qui rassemblent les peuples et permettent de mieux connaître nos voisins. Sur ce sujet je rejoins Annie et Patrice. Que restera t-il, dans quelques années, de ce mouvement né en suède ? Sans doute peu de chose au regard des progrès que l’aérien accomplit en matière d’environnement.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Le Flygskam a-t-il changé votre façon de voir les choses ou même de voyager ? Ou continuez-vous à prendre l’avion comme avant ? Votre opinion nous intéresse. A vos claviers !
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