
Des milliers de manifestants scandant « Tourists go home ! », surtout en Espagne, qui en attendait plus de 40 millions cet été : comment en est-on arrivé là ? Et comment lutter contre le surtourisme ou… comment s’en protéger ?
C’est aujourd’hui devenu une industrie à part entière : les dépenses des touristes, rien qu’en Europe, devant dépasser les 800 milliards d’euros cette année, en hausse de 13.7 %. Mais ce qu’on appelle désormais le « surtourisme » est un phénomène relativement récent. Encouragé, en réalité, par deux véritables faits de société.

à Rome est surchargée de visiteurs
Les compagnies aériennes « low cost », d’abord, comme easyJet et surtout Ryanair, qui a « maillé » le Vieux Continent en exploitant jusqu’au moindre aéroport d’une petite ville de province à des prix défiant toute concurrence.
On peut penser ce que l’on veut de ces compagnies, largement subventionnées par les pouvoirs locaux, il reste qu’elles ont mis l’avion à portée de tous : comment résister à une offre de voyage à moins de 22 euros — même s’il faut (toujours) se méfier des suppléments ?
On pourrait ajouter le succès des croisières : des dizaines de navires, de plus en plus gros, accostent chaque jour dans l’un ou l’autre port de Méditerranée où ils déversent des centaines de touristes d’un jour, qui ont payé leur cabine moins cher qu’une semaine dans un club de vacances..
A l’origine, une idée plutôt sympa…

L’autre phénomène, ce sont les « locations saisonnières », voire même pour une ou deux nuits, dont Airbnb est le modèle le plus achevé. A l’origine, une idée plutôt sympa : faites-moi une petite place pour poser mon matelas pneumatique (l’air bed) et retrouvons-nous au petit déjeuner !
Mais au fil des années, Airbnb est devenu une entreprise tentaculaire, et florissante, brassant des millions d’euros de chiffre d’affaires grâce à des offres de plus en plus élaborées. Avec pour conséquence que, pour les loueurs — qui « oublient » le plus souvent de déclarer ces revenus faciles — il est devenu plus intéressant de proposer leur bien à la journée plutôt qu’au mois. Et c’est bien là que le bât blesse : les logements disponibles se raréfient et les loyers deviennent de plus en plus chers.
Ajoutez à cela toutes sortes de nuisances, comme le tapage nocturne, et on finit par mieux comprendre le ras-le-bol des habitants, parfois obligés de supporter des hordes de braillards ivres qui ne se privent pas non plus de vomir dans tous les coins…
Freiner le tourisme… ou remplir les caisses ?

Alertées, les autorités tentent ici et là de contenir l’aggravation du phénomène. A Venise, une des villes les plus prisées avec Barcelone, il faut désormais payer de 5 à 10 euros pour pouvoir visiter la ville. Mais ce droit de péage remplit surtout les caisses municipales sans pour autant restreindre le nombre de touristes qui se pressent sur la place Saint-Marc ou le pont du Rialto… A Rome, il faut acheter des billets nominatifs pour visiter le Colisée.
D’autres « spots » touristiques ont fait l’objet de mesures parfois inattendues, comme les Cinque Terre, en Italie, où il est interdit… de s’arrêter de marcher ! Au Japon, on a carrément construit un mur pour empêcher les touristes de voir et photographier le Fuji Yama du même endroit.
Aux loueurs, on impose des contraintes. A Bruxelles, les immeubles résidentiels ne peuvent pas être loués plus de 120 jours par an. A New York, il est interdit de donner un logement en location pour moins de… six mois. Résultat : le prix des chambres à louer s’envolent à leur tour.
A Amsterdam — où, comme à Barcelone, les navires de croisière ne pourront plus arriver jusqu’en centre-ville — le coût moyen d’une nuitée dans un Airbnb dépasse désormais le prix moyen d’une chambre d’hôtel, pourtant synonyme de service et de sécurité. Mais là non plus, rien ne dit que ces mesures suffiront à endiguer la vague des touristes.
Le silence est le vrai luxe

Alors, comment éviter la foule ? Si vous n’avez plus d’enfant en âge scolaire ou à garder pendant les vacances, évitez surtout les mois de juillet et d’août ! Choisissez de préférence une destination moins courue, plus loin de la mer… Ou plus au nord : avec les étés plus chauds que nous connaissons depuis quelques années, les plages des Pays-Bas, d’Allemagne ou… de Picardie vous attendent, comme celles aussi des pays baltes.
Privilégiez les parcours culturels : les ruines romaines et les musées sont généralement moins fréquentés. Oubliez les pèlerinages : tant pis pour l’anniversaire de votre voyage de noces à Florence : après tout, vous y êtes déjà allés. Ou partez beaucoup, beaucoup plus loin, dans un hôtel de grand luxe, aux Seychelles ou aux Maldives, par exemple.
Le vrai luxe n’est-il pas le silence ? Ça va coûter plus cher ? Eh oui… C’est une autre conséquence du surtourisme, c’est la sélection par l’argent. Et à cela, aucune mesure de dissuasion ne pourra rien changer.
Claude Boumal

A propos de l’auteur
Ancien élève du CFJ, licencié en Communications de l’Université Libre de Bruxelles, Claude Boumal a pratiqué toutes les formes de journalisme, de la presse quotidienne à l’hebdomadaire et à la radio en passant par l’Agence Centrale de Presse, dont il fut longtemps le correspondant en Belgique, en même temps que pour Tour Hebdo. Spécialiste en nouvelles technologies et passionné de marketing, il a contribué au lancement de plusieurs médias du tourisme et a fondé la lettre d’information Voyage & technologies, qu’il a éditée pendant dix ans.
Cher Monsieur, c’est le serpent qui se mord la queue, les pays veulent des touristes et leur argent mais les habitants (qui pour beaucoup travaillent dans le tourisme), veule l’argent mais pas les touristes. Que faire à part fermer les frontières ? Avouez que c’est un sujet de travail sans fin !