Quand les seniors ne veulent plus trop voyager

© Gerd Altmann

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Pour la première fois depuis des années, les seniors affirment qu’ils sont de moins en moins enclins à voyager. La raison évoquée : la hausse sensible du coût des déplacements associée à la volonté d’économiser pour aider financièrement leurs enfants touchés par la crise.


Interrogés par le CSA pour une étude parue dans le journal du dimanche le 13 octobre dernier, seuls 61 % des plus de 65 ans se disaient optimistes face à l’avenir. Un chiffre qui conforte les études confidentielles de l’INSEE sur le moral des Français et qui semble confirmer l’idée que l’heure n’est plus à la dépense mais aux économies. Inutile d’être devin pour le pressentir.

Mais au-delà des craintes économiques, un nouveau paramètre freine l’envie de bouger des seniors : la peur. Face à l’insécurité, sanitaire ou physique (agressions, attentats), les seniors semblent se replier sur eux-mêmes. C’est plus inquiétant.

© julita

Si l’été a démontré la capacité des Français à retrouver le chemin du voyage, l’hiver pourrait venir démentir cette tendance à commencer par les séjours à la neige dont les réservations sont en chute libre. La hausse du prix de l’essence pour se rendre dans les stations, l’électricité de plus en plus chère et l’inflation qui s’invite au quotidien expliquent sans doute les raisons de cette baisse.

Il en va de même pour les séjours à l’étranger. Ici, c’est la hausse du prix des billets d’avion qui freine les envies. Il faut dire qu’avec des prix dans l’aérien plus élevés de 28 à 40 % par rapport à l’an dernier, les séjours au bout du monde semblent réservés aux catégories supérieures (cadres ou professions libérales). Il semble loin le temps où les voyagistes proposaient aux seniors de très longs séjours présentés comme « plus avantageux qu’un séjour chez soi ». Si le calcul n’est pas forcément faux pour ceux qui feraient le choix des pays chauds, il n’empêche qu’il ne fait pas mouche chez les consommateurs.

À l’évidence, la situation économique des Français, associée au pessimisme ambiant que maintiennent les médias, tendent à confirmer la vision selon laquelle l’hiver ou le printemps à venir ne resteront pas dans la mémoire des tour-opérateurs et des agences de voyages. Faut-il alors s’inquiéter d’une situation très éloignée de ce que souhaitaient les seniors au début des années 2000 ? À cette époque, le voyage était quasiment l’objectif principal de ceux qui partaient à la retraite.

Il faut naturellement se méfier de ces études. Ce qui est dit n’est pas forcément ce qui est fait. Les seniors restent une clientèle convoitée en basse saison et leur pouvoir d’achat reste convoité. Une étude de 2016 réalisée par la DGE (Direction Générale des entreprises) explique que « Les séniors restant majoritairement mobiles jusqu’à 80 ans passés. Entre 62 et 71 ans, peu contraints par des ennuis de santé, disposant d’un temps libre important et de peu de charges, les jeunes séniors partent beaucoup en voyages touristiques, autant que les personnes ayant entre 25 et 61 ans. Entre 72 et 81 ans, la mobilité diminue mais reste importante. Passé 82 ans, près d’un sénior sur deux, part encore au moins une fois dans l’année »

© Julita – La France, première destination des seniors

Enfin, les seniors restent une manne pour les régions françaises. Pour l’institut Amelis, « 51% des plus de 65 ans voyagent en France qui reste la destination préférée des seniors, offrant l’occasion de revivre souvenirs de jeunesse et nouvelles expériences enrichissantes ». L’été étant traditionnellement réservé aux actifs, les opérateurs du tourisme ont pensé que les seniors se réservaient pour l’arrière-saison. Or, s’ils étaient bien présents à cette période, la concurrence des actifs est restée très présente jusqu’à la fin du mois d’octobre 2022. Face à l’envie de bouger des urbains, il est difficile d’en tirer des conclusions réalistes et optimistes.

Que faut-il penser de tout cela ? Si je réagis avec le regard d’un senior voyageur, je dirais « foutaises de journalistes ». Mais si je regarde ce que j’ai fait ces deux dernières années… Force est de constater que j’ai très peu bougé. Du moins plus souvent à moins de 500 km de chez moi. Je suis ce que les spécialistes appellent « un picoreur routier », celui qui va de sauts de puce en sauts de puce, jamais très loin.

Je serais tout naturellement tenté de croire que les études ne sont pas si biaisées que cela, mais je reste convaincu qu’il ne s’agit que d’un creux de vague et non pas une vague de fond, plus durable. J’aime à croire que le voyage et la découverte restent l’essence même des seniors. Laissons-nous le temps de nous remettre de cette période Covid et de cette crise économique, je suis certain que très vite, nous reprendrons la route.

Marcel Lévy

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