Le voyage serait-il touché lui aussi par la nostalgie ambiante ? Faut-il regretter l’époque où Katmandou était une référence culturelle pour la jeunesse du monde entier ? Doit-on s’interroger sur les changements profonds connus par les pays que nous avons visité il y a plus de 20 ans ? À toutes ces questions, un livre apporte indirectement des réponses. Signé par Pierre Josse et Josette Sicsic, l’ouvrage plonge dans le passé pour mieux nous faire aborder l’avenir du voyage.
Disons-le sans perdre de temps « Voyages. C’était mieux avant ? » est un pur bonheur. Ce recueil de souvenirs plonge dans les années où prendre l’avion n’était pas encore devenu une banale habitude. Celles ou passer une frontière pouvait se transformer en parcours du combattant et ou attendre un train demandait parfois des jours.
Ni nostalgie, ni regrets du moins en apparence, les auteurs dressent ici un état des lieux du tourisme et de son évolution. De par leur passé de baroudeurs, les signataires de l’ouvrage évoquent ce qu’étaient des destinations mythiques il y a pratiquement 40 ans. Mais depuis, le constat est un peu plus amer car la mondialisation est désormais passée dans les vieilles rues d’Hanoï, sur les places de Bogotá ou dans la vielle ville de La Havane.
Mais si la question est bel et bien posée, la réponse est plus subtile. Les mentalités changeantes, les constats politiques ou économiques, les attentes des voyageurs sont autant de nouvelles approches bien difficiles à mesurer pour celles et ceux qui ont traversé le monde en sac à dos. Voyager, c’était loin d’être simple dans les années 70.
Entre les batailles commerciales des nouveaux entrants du monde de l’aérien, la complexité des moyens de paiement et la faiblesse des outils de communications… Traverser le monde demande des efforts permanents d’adaptation.
Assez facile pour Pierre Josse qui pendant quatre décennies a été le rédacteur en chef du guide du routard et qui a vu au fil des ans le monde se transformer et s’adapter. Pour bien le connaître, je sais à quel point la sincérité qu’il exprime dans sa vision du passé est loin d’être feinte. Quand il raconte, ce n’est pas seulement son imagination ou ses souvenirs qui parlent mais bel et bien la vision d’un quotidien qu’il n’a jamais cessé de quitter du regard. Et pour cause, ce photographe, journaliste, homme des médias et écrivain a toujours parlé avec sincérité des hommes et des femmes qu’il croisait lors de ses voyages. Découvrir les autres, pour en parler aux autres serait même le maître mot de sa carrière.
Pour Josette Sicsic qui a coécrit l’ouvrage, sa vision est plus orientée vers les lieux qui, pour elle, ne changent jamais totalement. Seuls ceux qui les visitent changent. C’est une autre approche du voyage, peut-être un peu plus intellectuelle mais nécessaire pour ne pas passer à côté de l’essentiel.
On peut sans trop se tromper affirmer qu’à aucun moment les auteurs ne cherchent à répondre à la question qu’ils posent. C’est même toute la force de l’ouvrage que d’engager une promenade dans le temps sans mettre de barrières nostalgiques. On peut ainsi mieux comprendre les mythes qui sont nés de ces années « routard ». De ces années où l’on évoquait peu l’écologie ou l’environnement mais souvent l’art de vivre ou la protection des beautés du monde. La planète pour terrain de jeux, le souhait de tous les voyageurs rêveurs aux pieds bien sur terre.
Et c’est sans doute la leçon que l’on retiendra. Celle qui nous marquera une fois le livre refermé : voyager n’a jamais été simple lorsque l’on prend le temps de bien voyager. La fin des 30 glorieuses a eu le mérite d’avoir fait prendre conscience que le voyage n’est pas simplement le fait de se déplacer d’un point à un autre mais l’expression d’une volonté forte : apprendre de nos différences et les accepter. Pierre Josse et Josette Sicsic ouvrent les portes du futur à ceux qui dans 40 ans se demanderont si, pour eux aussi, c’était mieux avant.
Une règle de vie pour nos auteurs. Un livre à mettre entre toutes les mains même celle de ceux qui ont toujours eu peur de voyager.
Voyager c’était mieux avant ?
L’harmattan Collection
256 pages – 24 € broché (17,99 au format numérique)
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