Une fois n’est pas coutume, Senior Voyageur tire le portrait d’un duo. Entre Jean-Paul Moulin, ancien gestionnaire de projets devenu éditeur, et Joël Alessandra, auteur et illustrateur reconnu, la collaboration remonte à une dizaine d’années. Plus précisément à une BD baptisée « le Géant de Fer », dessinée par Joël et éditée par Jean-Paul. Depuis, d’autres albums ont suivi. Aujourd’hui, ils sont à l’origine de « Carnets d’Ailleurs », une revue de voyage pas comme les autres. En combinant l’art du dessin et la richesse des récits personnels, cette superbe publication trimestrielle est une véritable invitation à voir le monde autrement.
D’où venez-vous ?
Joël : Je suis né à Marseille, j’ai grandi avec des parents aimants et bienveillants. Du côté de ma mère, j’ai passé tous mes étés avec une mamie à l’accent de Pagnol qui me régalait de tomates farcies et de beignets de courgettes. Du côté de mon père, on parlait avec l’accent pied-noir et on ressassait des histoires d’Algérie… Mais ma jeunesse est parisienne, jusqu’aux départs vers le lointain.
Joël Alessandra en Mauritanie
Jean-Paul : J’ai grandi à Lyon et je crois qu’un des tournants de mon existence est lié à l’achat d’un exemplaire de l’encyclopédie « Tout l’Univers » par mes parents. Ça et la lecture des albums de Tintin, assis par terre au rayon librairie du magasin Carrefour pendant que ma mère faisait les courses.
Quels étaient vos rêves d’enfant ?
Joël : Petit, je n’ai jamais pensé être pompier ou vétérinaire. D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu raconter des histoires et dessiner. Je séchais les cours de maths au collège pour me réfugier chez Monsieur Amiet, professeur d’Arts plastiques et passionné de Matisse, qui se faisait complice et me faisait peindre les grands maîtres. Je rêvais alors que je serais plasticien, ou pire auteur de bande dessinée.
Jean-Paul : Je crois que ce sont les études qui m’ont choisi plutôt que l’inverse. Je savais juste que je voulais travailler dans le domaine du livre, mais je n’avais pas de talent particulier pour l’écriture ou le dessin, j’ai donc fait une école de commerce…
Quel a été votre parcours de vie ?
Joël : J’ai un itinéraire non linéaire, c’est sûr ! Mon parcours se trouve à la croisée de l’École Boulle, une école d’Arts appliqués à Paris où j’ai étudié l’Architecture d’intérieur pendant près de 6 ans — je n’ai jamais fait ce métier — et de mes voyages dessinés. Depuis l’âge de 20 ans, je sillonne la planète en quête de rencontres et de lieux à figer dans mes carnets. L’école m’a enseigné la technique du dessin, le voyage m’a appris l’essence même du pourquoi je dessine. Depuis, j’ai habité en Afrique de l’Est, en Italie, au Sri Lanka… j’ai fait plusieurs métiers artistiques : Directeur artistique pour la télévision en charge de l’habillage, Directeur de création dans la communication, mais ce qui me fait vivre aujourd’hui est bien le dessin. Le carnet de voyage bien sûr, et la bande dessinée avec tout plein d’histoires se passant ailleurs.
Jean-Paul Moulin au Tamil Nadu
Jean-Paul : Après mes études, j’ai goûté à la distribution de presse par opportunisme, mais sans être vraiment convaincu. Je suis devenu consultant en gestion de projets de transformation pendant une quinzaine d’années, puis je suis revenu à mes premiers rêves en créant une maison d’édition spécialisée dans les biographies en BD (21 g).
De quoi êtes-vous le plus fier ?
Joël : De mes enfants ! Sur les trois — 2 filles, un garçon — deux sont dans le domaine artistique : ma fille aînée en médiation culturelle, ma plus jeune en seconde année des Beaux-arts de Montpellier. Quant à mon garçon, il s’est mis en tête d’organiser des itinéraires culturels en voitures « vintage ». Je suis fier d’eux, de voir qu’ils partagent les mêmes valeurs artistiques et d’ouverture à l’autre que j’ai essayé de leur transmettre.
Arabie Saoudite – Crédit : Joël Alessandra
Jean-Paul : Nous ne faisons que passer, une poussière à l’échelle de l’infini. On ne peut être fier que des traces qu’on laissera derrière nous. Nos enfants bien sûr (j’en ai deux) et les valeurs qu’ils ou elles perpétuent. Mais aussi les livres (ou les œuvres en général), ceux qui touchent les gens et qu’on a contribué à faire exister. Une des plus belles réussites de la maison d’édition 21g, c’est l’album « Les découvreuses », qui présente 20 destins de femmes héroïnes de la science, la plupart méconnues.
Vous considérez-vous comme un « Senior » ?
Joël : Selon l’Insee, on est sénior entre 55 et 64 ans il me semble, et j’en ai 57. Alors oui, je suis officiellement un sénior. Je le vois bien d’ailleurs, quand je fais des blagues, mes enfants me font bien peser le fait que mes plaisanteries sont d’un autre temps ! Personnellement, je ne vois que des avantages à être sénior. L’expérience bien sûr, dans tous les domaines : tant au niveau humain, de la philosophie de vie, du lâcher-prise, du recul et finalement d’une certaine « sagesse » acquise au cours de cet apprentissage qu’est la vie. C’est aussi pour cela que j’encourage mes enfants — encore eux — à voyager le plus possible, à rencontrer le plus de personnes et de lieux différents. Et puis je me trouve plus beau aujourd’hui qu’à 20 ans 😉 !
Crédit : Joël Alessandra
Jean-Paul : J’avoue ne m’être jamais posé la question. J’imagine que ce sera le cas si un jour je deviens grand-père !
Qu’est-ce qui vous fait vous lever le matin ?
Joël : Les projets — et le café 😉 j’ai beaucoup de projets différents, toujours autour de l’Art et du dessin. Je fais plusieurs albums de BD en ce moment, qui parlent de poésie, de migrants, d’écologie et même de PMA ! Chacun apporte son lot de découverte, de plaisir de dessiner, de situations inédites : j’ai assisté par exemple il y a quelques mois, à une opération à cœur ouvert dans le cadre d’un ouvrage sur les cardiopathies congénitales ! Et puis il y a les formations à l’étranger autour de la narration et des romans graphiques. Et bien sûr le projet — déjà bien abouti puisque nous préparons le N° 4 — du magazine « CARNETS D’AILLEURS — voyages dessinés ». C’est une véritable fierté de publier des auteurs qui étaient mes modèles quand j’étais étudiant, et de découvrir des talents véritablement fascinants.
Ethiopie – Crédit : Joël Alessandra
Jean-Paul : Je pratique la règle des 3 reconnaissances. Chaque soir avant de m’endormir, je liste (au moins) trois évènements ou nouvelles qui m’ont rendu heureux dans la journée. Ce qui me pousse à me lever le matin, c’est la curiosité vis-à-vis de ce qui me rendra heureux dans la journée qui vient. Il y a les rencontres, les sensations, les découvertes, les preuves d’amour… Et il y en a souvent bien plus que trois dans une journée !
Si vous aviez une baguette magique, qu’aimeriez-vous réaliser demain ?
Joël : J’ai droit à combien de vœux ? Je suis bénévole pour une association de malades atteints de Neurofibromatoses, une maladie génétique rare pour laquelle il n’y a aucun remède. Vous voyez où je veux en venir ? Si j’avais cette fameuse baguette magique, nous aurions suffisamment de fonds pour la recherche. On ne s’occupe que trop peu des maladies rares, pas assez rentables pour les labos.
Djibouti – Crédit : Joël Alessandra
Jean-Paul : Je ne crois pas aux baguettes magiques (et en plus, il est vraiment difficile de répondre à cette question après Joël).
Bio Express Joël Alessandra
1967 : naissance à Marseille
1989 : diplômé de l’école Boulle en architecture d’intérieur.
1991 : publie ses premières histoires dans la célèbre revue italienne Il Grifo
2014 : première collaboration avec Jean Paul Moulin pour « Gustave Eiffel, le Géant de Fer »
2024 : lancement de la revue CARNETS D’AILLEURS — voyages dessinés
Bio Express Jean-Paul Moulin
1965 : Naissance à Lyon
1984 : premier vol Paris-New York sur la TWA
1987 : diplômé de l’ESSEC en gestion
2008 : première BD publiée, « Chroniques de Pékin » avec une douzaine de dessinateurs chinois
2024 : lancement de la revue CARNETS D’AILLEURS — voyages dessinés
Pour découvrir la revue CARNETS D’AILLEURS :
bit.ly/carnetsdailleurs
Pour suivre les actualités de Joël Alessandra :
www.joel-alessandra.com
Instagram : @joelalessandrabd
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